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Témoignage: “J’ai fait un bébé toute seule”

Céline l’a décidé il y a près de dix ans: pas question d’attendre en vain le futur père de ses enfants. Son bébé, elle le ferait toute seule. Chronique d’un parcours de combattante.

Céline, 42 ans, professeure de langues, nous accueille tout sourire avec Jeanne, son bébé de 3 mois et demi dans les bras. Autour de nous, parc, peluches, table à langer, biberons, photos… Puis sur une table, des carnets, dont elle s’empresse de nous parler.

“J’ai tout écrit là-dedans pour expliquer ma démarche à ma fille. C’est une longue lettre que je lui adresse, un récit que j’ai commencé en… 2010, comme si elle était déjà dans mon ventre. C’est le 25 décembre 2010 que j’ai envoyé mon dossier de candidature. Objectif: faire un bébé avec don de sperme anonyme. J’y pensais déjà depuis trois ans, depuis qu’on avait suspecté un cancer du sein chez moi. L’opération avait abouti à un diagnostic rassurant, mais cet événement m’avait fait prendre conscience de la fragilité de la vie.

Pour moi, c’était une évidence depuis toujours d’avoir un enfant. Mais voilà, mes relations amoureuses se succédaient, et rien de sérieux ne se profilait. Je laissais la porte ouverte aux rencontres, mais je ne voulais pas me retourner un jour et me dire que je ne l’avais pas fait. Pas question de tenter l’aventure d’un soir: je n’aurais jamais osé le raconter à mon enfant plus tard. La coparentalité? Je ne voulais pas me retrouver comme les couples divorcés à voir mon enfant une semaine sur deux. L’adoption ne me tentait pas: si les hôpitaux belges offrent la chance de faire un bébé toute seule, pourquoi ne pas en profiter? Bien sûr, ce n’était pas comme ça que je rêvais de fonder une famille: j’aurais préféré un homme attentionné plutôt que les salles froides d’un hôpital!

Apte à avoir un enfant ou pas?

La première étape a été de remplir un questionnaire, puis j’ai été convoquée pour des examens médicaux et psychologiques. J’ai mal vécu ces derniers: des psychologues, qui ne vous connaissent pas, fouillent votre vie et décident en bout de course si vous êtes apte à être maman ou pas. On m’a demandé comment j’en étais arrivée là, ce que j’allais dire à l’enfant, comment j’allais m’organiser au quotidien en tant que maman solo… Au début, je réfléchissais aux meilleures réponses à donner, puis j’ai lâché prise. Au final, les psychologues ont vu que j’avais la tête sur les épaules et que mon projet était bien réfléchi. Hélas, la suite n’a pas été simple.

On s’est rendu compte que j’avais un utérus trop grand, trop haut, des fibromes qui se sont mis à grossir avec les traitements. Au bout de deux ans d’essais infructueux, j’ai dû me faire opérer pour les enlever. Une pause d’un an s’est alors imposée. J’en ai profité pour changer d’hôpital pour diverses raisons, et j’ai recommencé tout le parcours ailleurs. J’étais déterminée, mais l’âge avançait. C’était une véritable course contre la montre. On me le rappelait d’ailleurs régulièrement: ‘Mais vous allez avoir 40 ans, Madame, les chances de tomber enceinte sont minces.’

14 tentatives

Pendant ce temps, des proches annonçaient leur grossesse. J’en étais malade de jalousie et de tristesse. J’avais l’impression que ça ne m’arriverait jamais. Mais je n’ai jamais baissé les bras. C’était une évidence pour moi d’essayer aussi longtemps qu’on me le permettrait. Cela, même si les traitements étaient douloureux et mettaient ma santé en péril, que ma vie était rythmée par les tentatives, que je passais sans cesse de l’espoir au désespoir… Heureusement, j’ai pu compter sur le soutien de mes proches. Je l’ai dit dès le début à mes parents, et très vite à mon travail. Ma direction a heureusement toujours été très compréhensive.

En tout, j’ai fait 14 tentatives. Des inséminations sans médicaments, avec médicaments, des fécondations in vitro, pour revenir aux inséminations. En janvier 2018, après une prise de sang, on m’a enfin annoncé que j’étais enceinte. J’avais envie de hurler ma joie sur tous les toits. Mais de nouveau, tout ne s’est pas passé comme prévu. Lors de la première échographie, le gynéco n’a rien vu. Pareil à la seconde. Puis j’ai commencé à perdre beaucoup de sang: j’étais en train de faire une fausse couche. Ma mère m’a alors dit: ‘Je sens qu’il y a quelque chose, garde espoir!’ Elle avait raison: lors d’une nouvelle échographie, on a vu un sac, vide… et, à côté, un autre sac, bien rempli, lui! J’étais enceinte de 9 semaines. J’avais en réalité perdu un jumeau.

J’espère qu’elle ne m’en voudra pas

J’ai eu du mal à réaliser que j’étais enceinte. Je l’avais tellement désiré, ce bébé, tellement attendu, j’avais connu tellement de déceptions, tellement d’espoirs… Ma grossesse a été merveilleuse. Coup du sort: c’est à ce moment-là que j’ai rencontré quelqu’un. Quand il a su que j’étais enceinte, il a réfléchi et est resté. On n’avait pas vraiment de projets d’avenir mais petit à petit, les sentiments se sont installés. Il était là à la maternité, et il est là depuis. Il n’a pas assisté à l’accouchement, car c’était prévu depuis le début que ce serait ma maman qui m’accompagnerait, mais il est présent dans la vie de ma fille.

Je ne me suis jamais posé beaucoup de questions sur le donneur. À la naissance, je trouvais que Jeanne ne me ressemblait pas beaucoup. J’ai alors vérifié avec une photo de moi bébé: c’était mon portrait craché! Un peu plus tard, alors que Jeanne avait un problème de hanche, on m’a dit que ça pouvait être héréditaire. J’ai tout de suite affirmé que non, il n’y avait pas de problème de hanche dans la famille… jusqu’à ce que je me souvienne qu’en réalité, je ne connaissais rien des antécédents de son père!

C’est ainsi: j’expliquerai la situation à ma fille, j’espère qu’elle ne m’en voudra pas. Mais finalement, n’y a-t-il pas aussi des pères qui disparaissent? Même si mon parcours a été long, je ne regrette rien. Notre histoire est merveilleuse. Sur le faire-part de naissance de Jeanne, j’ai noté cette phrase qui résume bien les circonstances de sa naissance: ‘L’obstination, c’est le chemin de la réussite’.”

Témoignage recueilli par Christelle Gilquin.

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