Témoignage: “J’ai perdu mon bébé à cause du cytomégalovirus”

Par Tatiana Czerepaniak
Manon est une jeune femme de 26 ans. En 2018, elle a vécu l'une des épreuves les plus insoutenables: celle de la perte d'un enfant. En effet, Manon a contracté le cytomégalovirus, une infection qui laisse de graves séquelles au fœtus.

“Mon chéri et moi étions ensemble depuis moins d’un an quand notre bébé surprise s’est installé. Nous n’avions pas vraiment prévu de fonder une famille si tôt, mais c’est vrai que nous avions tous les deux envie d’avoir des enfants, alors nous avons pris la vie comme elle venait et avons accepté ce cadeau du destin. Nos familles étaient ravies, d’autant que c’était le premier petit-enfant, aussi bien pour mes parents que pour ceux de mon compagnon. Mais assez rapidement, cette grossesse s’est annoncée mouvementée: j’ai eu de fortes douleurs dans le bas du ventre, des nausées et vomissements assez intenses également, sans parler de l’incroyable fatigue. À ce moment-là, je tiens le coup en me disant que cela ne durera que trois ou quatre mois, tout au plus.

Au bout de quelques semaines de grossesse, mon médecin me demande de faire une prise de sang pour s’assurer de mon immunité et détecter un éventuel handicap. Celle-ci s’avère parfaite. Je suis immunisée contre la toxoplasmose, le cytomégalovirus et la prise de sang ne révèle aucun risque de handicap. Je me sens donc assez à l’aise, je ressens comme l’autorisation de vivre pleinement cette grossesse, ce qui tombe bien car j’ai plutôt tendance à penser qu’être enceinte n’est pas une maladie, et qu’il faut vivre normalement. Mon ventre s’arrondit rapidement, pour mon plus grand bonheur.

Une grossesse mouvementée

Bizarrement, les semaines passent et mon état reste le même. Les nausées, les vomissements et mais surtout la fatigue reste intense et m’empêche de vivre. Je m’accroche au positif, comme au bonheur d’aller aux rendez-vous chez le gynécologue, de voir mon bébé évoluer, mon ventre qui grossit et de ressentir, avec mon compagnon, le bébé bouger. Et vu comme elle bouge, on se dit que ce sera certainement une nerveuse comme moi (rires). Vers 21 semaines de grossesse, nous avons rendez-vous pour l’écho morphologique. Un rendez-vous que nous attendons avec impatience, car nous allons pouvoir avoir des clichés de notre fille en en 3D. Le jour de l’échographie, tout se passe bien, mais la gynécologue nous demande de revenir dans quatre semaines environ, car elle souhaite être certaine à 100% que tout va bien. Elle nous avoue qu’il y a petit quelque chose qui l’interpelle au niveau des dimensions du cerveau. Pour elle, certainement rien d’alarmant, elle nous dit donc ne pas nous inquiéter, mais qu’elle souhaite vérifier.

La deuxième échographie

Le 3 décembre 2018, au lendemain de mon anniversaire, nous avons donc rendez-vous pour la 2ème écho morphologique. Dans la salle d’attente, nous sommes confiants, et surtout heureux à l’idée de revoir sa petite bouille en trois dimensions. Je m’installe sur la table d’échographie, mais dès que la gynécologue pose l’appareil sur mon ventre, je sens la sens plus froide. Elle ne parle pas et elle regarde, encore et encore, d’un air grave. Elle nous donne vite fait une photo de l’écho 3D, se retourne vers nous, et nous annonce la pire nouvelle qui soit: notre fille à une malformation au niveau du cerveau. Un problème de membrane, qui est trop fine. Elle nous explique qu’elle ne peut actuellement nous en dire plus, mais que c’est anormal. Cela peut être dû à une hémorragie que la petite aurait fait, ou à autre chose. Mais pour en savoir plus, je dois passer une IRM en urgence le lendemain.

Je suis dévastée, anéantie, et je ne cesse de pleurer. Mon compagnon reste fort pour nous deux, il se montre super positif et me console en me disant que ça va aller et que, peut-être, le cerveau de notre fille peut encore se construire, qu’elle prend peut-être juste son temps pour se former.

Une suite d’examens pour en savoir plus

Une batterie de tests nous sont prescrits. La fameuse IRM le lendemain, ainsi qu’une ponction du liquide amniotique. Juste après l’IRM, nous voyons la gynécologue, qui a reçu les résultats. Elle nous explique que ce ne serait apparemment pas une hémorragie, qu’elle n’est pas rassurée, mais que les résultats de la ponction pourront nous mettre sur la piste du problème. Elle parle de plusieurs choses, comme d’une incompatibilité génétique, ou d’un mauvais virus que j’aurais attrapé. La deuxième option me semble impossible, vu les résultats de ma première prise de sang qui me disait immunisée contre la toxoplasmose et le cytomégalovirus. Mon compagnon et moi devons faire une prise de sang. En attendant, nous sommes dans le flou total, dans l’attente. Et c’est insoutenable.

Quelques jours plus tard, les résultats

Après près d’une semaine d’attente, mon gynécologue me contacte pour m’annoncer que j’ai contracté le cytomégalovirus, et que c’est cela qui a provoqué la malformation de ma fille. Je suis dévastée. Comment est-ce possible alors que l’on m’avait annoncé que j’étais immunisée! Mon médecin m’explique que, même si cela est rare, il n’est pas impossible qu’une femme soit infectée par ce virus même si elle est immunisée, que le virus dormait probablement et qu’il s’est réveillé. Il nous annonce dans la foulée que notre bébé n’est pas viable. Je ne suis alors que tristesse, colère et incompréhension. Mais je ne peux attendre une seconde de plus, je ressens le besoin de savoir comment cela va se passer. Vais-je garder mon bébé jusqu’au terme? Vais-je devoir me faire opérer? Vais-je devoir accoucher naturellement? Et surtout, comment cela va se passer pour notre fille? Par chance, j’ai une tante qui est infirmière-accoucheuse, qui a été présente dans ces moments si difficiles.

Les jours suivants sont assez intenses. En plus d’accuser le coup, nous devons rencontrer un neuro-pédiatre afin qu’il nous parle de la gravité et des conséquences de la malformation sur notre fille. Et ce n’est clairement pas bon: le cerveau est touché à trois endroits différents; le cytomégalovirus a très gravement affecté notre bébé, car il a été contracté durant le premier trimestre de grossesse. Cela signifie que si notre fille naît à terme, son handicap sera si sévère que l’on ne sera pas certains de sa survie. Quelques heures, quelques jours? Et surtout, dans quelles conditions, pour elle et pour nous?

Une décision difficile

Le monde s’écroule une nouvelle fois autour de nous, mais notre décision, si elle est infiniment difficile à prendre, est claire: nous choisissons d’interrompre la grossesse. Les jours suivants sont tout aussi compliqués: nous devons aller chez mon gynécologue pour parler concrètement de cette interruption de grossesse, la programmer. Tout cela alors que mon ventre continue de s’arrondir et que cette petite vie encore en moi.

Les fêtes approchent, et même si je voyais Noël 2018 autrement, je souhaite que tout cela soit derrière nous avant la fin d’année, pour ne pas commencer 2019 avec ce moment tragique. Nous avons donc une semaine pour préparer l’arrivée de notre bébé, même mort-né. Nous continuons donc avec la valse des rendez-vous: anesthésiste, sage-femme, psychologue et assistante sociale… Mais ce n’est pas tout. Nous devons aussi nous renseigner pour les funérailles, pour déclarer notre fille, et gérer le côté administratif, la mort dans l’âme. Cette situation est affreuse et me semble loufoque. Devoir faire tant de paperasse dans ce moment est atroce. Mais si dans ma tête je suis anéantie, dans mon ventre la vie bouge sans cesse, comme pour nous dire qu’elle est toujours là, bien présente. Mon corps, lui, semble se préparer à l’accouchement, je ressens des douleurs, des contractions.

Le jour où j’ai donné la mort

Le jeudi 20 décembre, je rentre à l’hôpital pour l’euthanasie fœtale. Les infirmières viennent me chercher dans ma chambre, et m’installent dans la salle d’accouchement. On m’endort momentanément avant d’endormir ma fille pour toujours. Quand je me réveille quelques heures plus tard, notre petite, en moi, ne vit plus. Mon ventre est là, bien rond, mais plus aucune activité à l’intérieur ne se fait ressentir. Juste le silence, et cette sensation de vide, de mort. Je suis à la maternité, mais les infirmières m’ont réservé une chambre seule au début du couloir, afin que je ne doive pas traverser le service. Mon compagnon est constamment avec moi. Dans la nuit du 20 au 21 décembre, on vient m’administrer les premiers médicaments d’une longue série, afin de provoquer l’accouchement.

Encore une fois, les choses se compliquent, puisque je fais une poussée de fièvre et que je vomis une partie de la nuit. Je perds les eaux à 8 h 30. On m’installe alors en salle d’accouchement et on me pose la péridurale. S’en suivront de longues heures, et une attente interminable. Mon col s’ouvre si lentement. Mais à 19 h, enfin, nous nous préparons à l’accouchement. Vers 19 h 30, et au bout de 30 semaines de vie in-utéro, notre petite Rose est là. Une magnifique petite fille de 1,5 kg et de 31 cm. Les infirmières la préparent avec le pyjama et la couverture que nous avions emmenés à l’hôpital spécialement pour elle.

Un moment juste avec elle

Nous avons alors pu passer un peu de temps avec elle, pour lui dire au revoir. Je vous avoue que ce moment, nous le redoutions. Nous ne savions pas comment nous allions réagir, ni quoi faire. Mais il faut le vivre pour comprendre ce qu’il se passe pendant ces instants-là. Moi qui avais décidé avant l’accouchement que je ne voulais pas faire de photos d’elle pour ne pas avoir un mauvais souvenir, j’ai ressenti à ce moment l’envie très forte de prendre des photos. Et aujourd’hui, je suis très heureuse de les avoir. Même si c’est incroyablement difficile, cela reste un beau souvenir, car nous avons pu rencontrer notre petit cœur. L’hôpital nous a aussi donné des photos, ainsi que les empreintes de ses pieds dans un faire-part, avec sa date de naissance, son poids et sa mesure. Toutes ces petites attentions sont précieuses, parce que oui, elle a vécu, et je pense montrer tous ces souvenirs à ses frères et sœurs, leur parler d’elle…

Les jours qui suivent, la douleur et le vide

Ne nous voilons pas la face, les jours qui suivent l’accouchement sont incroyablement douloureux, aussi bien physiquement que mentalement. Le ventre est vide, et pas de bébé à l’horizon. Juste la tristesse, la fatigue, et les nuits agitées. Mais le pire moment de la journée est certainement celui du coucher, car quand je ferme les yeux, je réfléchis beaucoup et je pense à elle. Et puis il y a les gens, et leurs paroles maladroites, du genre “mais vous êtes jeunes, vous en aurez d’autres”. La seule chose que l’on voulait, nous, c’est notre bébé, notre Rose. Par contre, il y a aussi des phrases et des témoignages qui aident. Voila pourquoi je témoigne aujourd’hui. Je souhaite d’ailleurs partager à toutes les mamans qui me lisent cette phrase qui m’aide beaucoup: La vie est si fragile, mais l’amour est si fort.

Aujourd’hui, je fais en sorte que les souvenirs m’aident à avancer. Le plus important, c’est de prendre tout ce que l’on nous offre: le soutien que nos proches nous donnent, les petits mots, même juste pour dire qu’ils pensent à nous, tout cela aide vraiment. Je voulais d’ailleurs remercier l’équipe médicale du CHU Bruyère de Liège, ainsi que nos proches, familles, amis… d’être si présents, et mon compagnon pour le soutien et les attentions. C’est un merveilleux Papa. Aujourd’hui, si peu de temps après ce cauchemar, et même si l’on ne remplacera jamais notre petite Rose, nous ressentons le besoin de donner notre amour à un enfant. Nous voulons donc faire un petit frère ou une petite sœur à notre étoile, et nous savons qu’elle veillera d’où elle est.”

Plus de témoignages:

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