Témoignage: “J’ai vécu deux grossesses rapprochées suivies d’une grossesse gémellaire”

Julie* est l'heureuse maman de quatre enfants: deux garçons âgés de 8 et 6 ans, et des jumelles âgées de 3 ans. Elle a donc vécu deux grossesses rapprochées ainsi qu'une grossesse gémellaire. Elle nous raconte comment elle a relevé ce défi aussi physique que psychique.

*Le prénom a été modifié.

Devenir maman, c’est une révolution dans votre vie. Votre corps change et vous êtes confrontée à la grossesse, l’accouchement, l’allaitement, la période post-accouchement. Votre nouvelle vie de parent débute enfin! Vous l’avez désirée et pourtant, c’est tellement différent de tout ce que vous aviez imaginé. Ce fut le cas de Julie, qui a eu la surprise de vivre une grossesse gémellaire après deux grossesses rapprochées. Témoignage.

Un double heureux événement

“Avec mon mari, nous étions déjà parents de deux super garçons, de 5 et 3 ans, quand nous avons souhaité agrandir la famille et accueillir une nouvelle vie tant que c’était encore possible. J’allais avoir 40 ans, nous étions remplis d’espoir et, en même temps, la vie nous avait déjà appris à lâcher-prise à travers l’expérience de deux fausses couches. Ce que nous ne savions pas, c’était que ces exercices de détachement n’étaient qu’un préambule à la leçon majeure qui nous serait enseignée moins d’un an plus tard.

Je suis tombée enceinte mais, de manière improbable et inattendue, j’attendais des jumelles! Quelle ne fut pas notre surprise en apprenant la nouvelle. Je ne suivais aucun traitement particulier, il n’y avait pas de cas de jumeaux dans ma famille et apparemment pas dans celle de mon mari non plus. En faisant des recherches, nous avons découvert qu’à la quatrième génération, dans ma belle-famille, des jumeaux étaient nés mais n’avaient pas survécu. L’explication biologique était donc là.

Ma vie était speed quand je suis tombée enceinte. En effet, je travaillais, j’emmenais les enfants à l’école, je m’occupais de la maison. Mon mari travaillait aussi beaucoup: il partait généralement vers 7h30 et ne revenait pas avant 19h30 ou 20h. Vous imaginez dès lors que rajouter au tableau une grossesse gémellaire ne fut pas de tout repos. Le signal d’alarme fut clair: une collision frontale en voiture et un accrochage quelques jours plus tard.

Complications avec les jumeaux

Avec l’accident, on a pu détecter que j’avais le “twin to twin syndrom”: le syndrome du transfuseur-transfusé. L’un des deux fœtus ne grossit plus, comme si son cordon était nécrosé, et l’autre grossit trop. Il a fallu vérifier que la membrane était toujours existante pour éviter les risques d’étranglement, mais aussi brûler les faisceaux sanguins apparents afin de rétablir l’équilibre des afflux sanguins entre les deux bébés. Le risque de l’intervention était réel, puisque cette opération compte 60% de réussite, et donc 40% d’échec. Presqu’une chance sur deux. Allais-je donc à nouveau faire une fausse couche?

Je vivais énormément de stress et l’accident m’a aidée à faire un choix. J’ai mis mon travail de côté pour vivre ma grossesse et me préparer au tsunami qui suivrait: l’arrivée des jumelles dans une famille qui allait porter au carré la puissance de la maternité. Deux fois plus d’enfants, d’émotions, de fatigue, de travail, d’improvisation.

Des différences entre les grossesses

Je n’ai pas allaité parce que j’ai eu un abcès au sein quand j’ai eu mon premier enfant. Parfois, il suffit d’un massage du téton pour que tout se débouche; dans mon cas, tout s’est compliqué. Mon sein a quadruplé de volume et s’est enflammé. Il a fallu m’installer un drain et changer les pansements pendant un mois. Après, le risque est trop important de développer un cancer du sein. Pour le second et les jumelles, la question de l’allaitement a donc été réglée. Cela n’a pas que des inconvénients: donner du lait en poudre permet de déléguer plus facilement la tâche, de ne pas diluer toute son énergie dans la production de lait et de retrouver une poitrine de taille normale assez rapidement.

J’avais accouché de mon aîné par césarienne, mon second, par voie naturelle et mes jumelles sont venues au monde par césarienne. J’ai donc touché un peu à tous les modes. Le temps des contractions, le col qui s’ouvre assez ou pas suffisamment, l’efficacité ou non de la péridurale, la fatigue et les forces qui manquent quand il faut encore pousser pour faire sortir l’enfant qui, dans mon cas, était en détresse respiratoire…

Comme toutes les mères au lendemain de césariennes, on m’a administré des antidouleurs et des anti-inflammatoires. La cicatrice tiraillait et se lever ou s’asseoir devenait difficile à effectuer naturellement et rapidement. Ce que je retiens de mes accouchements, ce n’est pas tant la manière d’accoucher que le travail qu’une femme doit déployer pour faire sortir son enfant de son ventre. À chaque fois, je me suis demandé comment avaient fait nos grands-mères qui ont tant de fois donné la vie sans toutes les aides médicales qui existent aujourd’hui.

Le corps ne suit pas

J’avais gardé un petit bidon de mes précédentes grossesses. Ce détail m’amusait mais quand vous le conjuguez à une grossesse gémellaire, ce n’est pas top pour le dos! Pour rien au monde je ne reviendrais en arrière car j’aime mes quatre enfants. Mais, pour être franche, je considère que le corps d’une femme n’est pas prévu pour avoir deux bébés en même temps. Mon dos “m’a fait la gueule” pendant toute la grossesse même si je n’ai pris que dix kilos. Vous devez imaginer qu’en plus de cambrer le dos quand on est enceinte (en raison du poids qui se concentre à l’avant), porter des maxi-cosy ou des enfants dans les bras, ici et là, n’arrange rien. Aujourd’hui, j’ai retrouvé la forme mais pas le corps de mes 20 ans.

J’ai appris à tout simplifier. J’ai troqué mes courses au magasin pour un “collect and go”. Cette idée m’est venue lorsque je n’ai plus réussi à porter seule toutes les bouteilles d’eau qu’il fallait pour les biberons des jumelles. Je ne savais plus faire face à deux charriots à pousser seule dans le magasin. Quand j’allais au supermarché, j’avais l’impression d’être en stage de manutention. Tant de charges à manipuler: les déposer dans le charriot, les transbahuter, les charger dans la voiture et les ranger à la maison. Quand il y a quatre enfants à gérer, c’est trop!

Être parents mais aussi un couple

Je suis positive et battante: ça a été ma chance. Compte tenu de mes deux fausses couches, de mon âge et de ma grossesse gémellaire, mon mari prenait en compte le risque de perdre les bébés en gestation. Au début de la grossesse, il n’osait pas s’attacher et n’était pas très démonstratif. Et ce, jusqu’à l’IRM des 30 semaines. C’est long une grossesse quand on ne peut pas vraiment la vivre à deux.

Je le comprends et aujourd’hui, je sais qu’il est vraiment heureux de notre famille et qu’il donne le meilleur de lui-même pour assumer son rôle de père. Donner priorité à sa carrière a toujours été notre choix depuis notre mariage. C’est la garantie d’une sécurité. Mais ce choix a impliqué des sacrifices: il part tôt et rentre tard, il voit peu les enfants et lorsqu’il est avec eux, il a plutôt envie de partager le meilleur. Il ne représente donc pas vraiment l’autorité à la maison. Ce rôle, c’est moi qui l’ai pris puisque je passe la majorité du temps avec les enfants. C’est une question que je garde à l’esprit et dont je discute avec mon conjoint: le rôle et la fonction de chacun des parents.

Sexualité: ce n’est plus ce que c’était

Pour ce qui est de la libido, les choses ne sont plus ce qu’elles étaient au moment de notre mariage. Il y a la routine et puis la fatigue des grossesses et des enfants à gérer au quotidien. J’ai par contre trouvé la solution à mes sècheresses vaginales. Aujourd’hui, j’utilise du gel. Cela me convient tout à fait parce qu’un rapport sexuel douloureux n’est agréable pour personne. En plus, compte tenu de la vie que nous menons, sur des chapeaux de roue, je trouverais dommage de gâcher une occasion de retrouvailles et de partage avec mon mari, simplement parce que mon corps ne produit pas de lubrifiant naturel. À la frustration, je préfère la solution.

Le quotidien avec quatre jeunes enfants

L’envers du décor d’une famille comme la nôtre, ce sont les scénarios improbables…

C’est quitter le service de néonatalité pour rentrer à la maison, ou l’inverse. Dans un cas, j’avais l’impression d’abandonner mes deux garçons. Dans l’autre, j’avais le cœur déchiré de laisser mes jumelles, petites comme des crevettes, seules sans leur maman. Des allers-retours qui allaient durer cinq semaines…

Ce sont les épisodes de gastro. Je n’ai jamais su si c’est par solidarité que la bactérie a infecté quatre des six membres de notre famille (dont un adulte). Je vous laisse imaginer les lessives, les odeurs, les pleurs…

C’est réaliser que mon second fils est en pleine crise d’Œdipe et qu’il réclame aujourd’hui de l’exclusivité. Je prends conscience qu’il y a 3 ans, j’ai consacré mon attention à mon aîné qui entrait en primaire (je surveillais les devoirs), à mes jumelles qui étaient en service de néonatalité et à ma survie (j’étais épuisée).

C’est être fatiguée et traîner encore deux heures ou plus avant d’aller dormir parce qu’il me faut un sas de décompression quand les enfants sont couchés et que je peux enfin me retrouver seule ou échanger avec mon mari.

Une aide à la maison

Quand j’ai accouché de mes jumelles, j’ai bénéficié d’une aide-familiale qui m’a soulagée. Pendant qu’elle préparait les repas, rangeait et nettoyait la maison, j’en profitais pour dormir si je le pouvais. Après trois mois, cette aide s’est arrêtée: c’est ainsi s’il y a plus de 18 mois d’écart avec l’enfant qui précède. J’ai donc tiré mon plan et trouvé d’autres solutions. Internet est une ressource formidable pour ça. Que font les gens qui se retrouvent seuls? Dans mon cas, j’ai découvert un forum de mamans de jumeaux et ça m’a aidée dans les trucs et astuces du quotidien.

“La fatigue ne disparaît jamais. On apprend à vivre avec.
On vit à du 300 à l’Heure mais on est super heureux malgré les difficultés”

Une amie m’a aidée une nuit, à six reprises, en s’installant près des jumelles à leur retour à la maison. À tour de rôle, mes princesses se réveillaient la nuit, réclamant leur biberon et demandant à être changées. Une heure par ci, deux heures par là et l’aurore arrivait déjà. Quel luxe de pouvoir enfin me reposer! Cette amie m’a offert un cadeau d’une valeur inestimable!

Aujourd’hui, quand je veux souffler un peu, je laisse mes enfants à la garderie après l’école pour une demi-heure ou une heure ou je fais appel à une baby-sitter quand je veux passer du temps avec mon mari ou mes deux grands. L’autre jour, nous sommes allés à quatre au cinéma. Les jumelles sont encore trop petites: elles sont donc restées à la maison. Je n’oublie pas mes copines et il m’arrive, pour pouvoir les rejoindre, de demander de l’aide.

Garder le cap malgré tout

Pour la kiné post-natale, j’ai trouvé une kinésithérapeute près de chez moi et j’ai libéré ce temps-là que je savais nécessaire compte tenu de l’état douloureux de mon dos. Je ne pratique pas de yoga au quotidien. Le stress est un ressort de motivation qui me permet de trouver de l’énergie quand je crois que je n’en ai plus. Mais cela me prend aussi de l’énergie. Je sais que je crâne un peu parfois. Par chance, c’est ce qui m’a donné la force de tenir pendant ma dernière grossesse: alors, je ne vais pas changer de stratégie tout de suite.

Bien manger permet au corps de trouver le carburant dont il a besoin. Pourtant, à être au four et au moulin, à charbonner toute la journée parce que quatre enfants en bas âge, c’est un challenge sportif de haute volée et qu’il y a toujours quelque chose à faire (surtout ce à quoi on n’avait pas pensé), je n’ai pas toujours la force d’ajouter de la rigueur à la rigueur. Je baisse parfois les bras quand il s’agit de moi. Une amie me dit souvent que c’est impressionnant de voir ce que je cuisine pour les enfants. Mais parfois, je suis si fatiguée que mon plaisir est de troquer mon assiette protéinée et bien cuisinée pour un paquet de chips qui me rappelle l’insouciance de ma jeunesse. Il m’arrive de sauter un repas. Préparer les cartables pour l’école, suivre les devoirs, donner le bain, assurer les tenues pour le lendemain me fait perdre la notion du temps. Oups! Il fait déjà nuit et ce n’est déjà plus l’heure de manger. Les enfants ne s’en rendent évidemment pas compte.

La vie à six

Parfois, avec mon mari, il nous arrive d’avoir envie de n’être que tous les deux. Pourtant, nos enfants nous manquent très vite! Nous sommes tellement habitués de vivre avec eux: avec leurs personnalités, leurs rires, leurs cœurs d’enfants, leurs cris, leurs gestes, leur imagination. Le temps passe et nous savons qu’un jour, ils seront grands. Nous allons manger à deux au restaurant, quelques fois par an. Nous aimerions aussi partir en voyage pour nos dix ans de mariage et s’offrir une grasse matinée. Mais y arriverons-nous seulement encore?

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