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Témoignage: “J’ai adopté mon deuxième enfant”

Par Tatiana Czerepaniak
Virginie est l'heureuse maman de deux enfants de moins de 10 ans, et sa première maternité l'a poussée à vivre l'expérience intense de l'adoption. Un parcours riche et semé de difficultés dont elle témoigne aujourd'hui avec émotion.

Avant l’adoption, mon parcours pour arriver à être maman a été un peu compliqué. Le père de mes enfants et moi avons très vite voulu des enfants. Après plusieurs années infructueuses, je suis enfin tombée enceinte. Malheureusement, cette grossesse a été le plus grand drame de ma vie: nous avons perdu notre fils un peu avant la naissance. Il avait une grande malformation et n’aurait jamais pu vivre. Nous avons dû avoir recours à l’IMG à huit mois de grossesse.

Trois ans plus tard (j’avais alors 35 ans), et après huit fausses couches aussi pénibles que dramatiques, nous nous sommes tournés vers l’adoption. Un processus que nous avions entamé, mais que l’on avait décidé d’arrêter net…. car je suis, une fois de plus, tombée enceinte. Mais cette fois, c’était pour de bon! Nous sommes devenus les heureux parents d’un adorable petit garçon.

Le désir d’un deuxième enfant très présent

Notre désir d’avoir un deuxième enfant était encore très présent, nous avons donc retenté notre chance “biologiquement”. Mais après deux fausses couches supplémentaires, j’ai décidé que mon corps avait assez souffert, et mon moral aussi. Je n’en pouvais plus de tant de douleurs. Après réflexion, nous nous sommes tournés une nouvelle fois vers l’adoption. Une chose pas si simple, puisqu’il faut faire le ‘deuil’ de l’enfant biologique, accepter que l’on enfantera plus, avancer et, surtout, se dire qu’on peut être parent autrement.

Nous avons donc débuté sereinement la formation pour parents adoptants, et ce, pour la deuxième fois. Nous nous sentions prêts psychologiquement, investis et très heureux de la démarche. Qu’importe le temps que cela prendrait, on savait qu’on serait à nouveau parents et cela nous réjouissait.

Le parcours de l’adoption

Malgré tous les ‘on-dit’, le parcours a été assez rapide. Il faut avouer qu’on avait choisi de vivre les choses sereinement. Lorsqu’on désire adopter un enfant, il y a des lois à suivre. Rien de contraignant, mais des choses obligatoires. Les parents qui partent avec un a priori vivront ce parcours comme une épreuve difficile. Et puis le ‘parcours’ pour adopter un enfant est, bizarrement, assez tabou. À l’époque, il n’existait qu’un seul forum pour l’adoption en Belgique. Un forum un peu secret d’ailleurs. Mais lorsqu’on posait une question sur les étapes, c’était un peu ‘tu verras bien, on ne peut rien te dire’. Du coup, on a vite laissé tomber les recherches d’expériences sur le net pour se laisser vivre.

Pendant la formation par contre, c’est beaucoup plus concret. On a droit à deux séances d’informations collectives, et à plusieurs séances en petits groupes menée par un psychologue. C’est l’occasion de parler, d’échanger, de poser des questions. Mais s’il y a toujours eu énormément de bienveillance, je dois bien vous avouer que ce parcours remue beaucoup de choses en nous. Et bien que l’attente n’ait pas été très éprouvante (certainement parce que nous avions un enfant), c’est émotionnellement très fort. Après ces quatre mois de séances, nous avons enfin eu le droit de nous diriger vers l’organisme d’adoption de notre choix. Nous nous sommes dirigés vers l’adoption en Belgique. Mais le parcours n’est pas terminé pour autant: il y a plusieurs séances en couple pour arriver, enfin, à être sur la fameuse liste d’attente, qui est le Graal des parents adoptants.

Le coup de fil qui change une vie

Je n’oublierai jamais ce jour: j’avais rendez-vous chez des clients pour mon travail. Un rendez-vous qui s’est éternisé un peu. Ce soir-là, je suis donc rentrée plus tard qu’habituellement chez moi. Mon mari m’attendait sans aucun bruit dans la maison, et à mon arrivée, il m’a offert un cadeau: un livre sur l’adoption. Je vous avoue que je n’ai pas compris tout de suite son appel du pied. Je lui ai dit ‘ah super, tu as enfin trouvé un livre sympa?’. Instinctivement, j’ai ouvert le livre. Sur la première page, il avait mis un mot ‘nous allons être parents, notre bébé est là’. J’ai pleuré comme jamais. Je n’ai pas dormi de la nuit. J’étais si heureuse, stressée et pleine de questions. C’était comme un rêve éveillé. Nous avons attendu exactement neuf mois et deux semaines entre le moment où nous avons été inscrit sur la liste d’attente et ce fameux coup de fil qui a changé notre vie. Autrement dit, la durée d’une grossesse. Un joli signe de la vie, n’est-ce pas?

La première rencontre a été, cela dit, un peu brutale. Rapidement, nous avons vu l’assistante sociale, qui nous a confirmé que nous allions être parents d’une petite fille, et que nous la rencontrerions officiellement deux semaines plus tard. Juste le temps de faire une liste de naissance, de bien mettre au courant la famille, de tout préparer pour son arrivée et, surtout, de bien préparer son grand frère à son arrivée. Il avait trois ans et sans une grossesse visible, il n’est pas simple de préparer un petit au fait qu’il allait être ‘grand frère’.

Je suis partie avec mon fils quelques jours en vacances. Les vacances se sont écourtées, puisque l’on a appris rapidement que notre fille allait nous être présentée bien plus tôt, pour une raison de santé. Rien de grave, mais nous étions désormais ses parents, et il fallait une présence parentale à l’hôpital. C’est donc mon mari a fait la connaissance de notre fille, seul. Je l’ai rencontrée le lendemain.

La rencontre avec notre fille

“J’étais tétanisée et émue aux larmes. Je me suis sentie perdue, je ne savais pas comment réagir face à elle. Devais-je être proche, distante, aimante, pas trop? Alors je l’ai prise dans mes bras, je lui ai déposé un petit bisou tout doux sur le front, et je lui ai dit ‘bonjour, je suis ta maman’. Je suis ensuite restée là, en silence, pendant un très moment. Et je l’ai dévoré des yeux… J’avais du mal à réaliser que j’étais maman pour la deuxième fois.

Et puis est arrivé le moment de la ramener à la maison. À son arrivée, son grand frère (trop fier) lui a fait visiter la maison. Vu que tout cela s’était passé plus vite que prévu, on n’avait pas eu le temps de se poser et bien tout préparer. Mais on a fait en sorte de gérer, malgré un congé de maternité bien trop court à mon goût (6 semaines à peine)”.
 

Un lien d’attachement compliqué

Après toute cette effervescence, tout s’est peu à peu posé. Et c’est alors que tout est vraiment devenu réel, concret. Et j’avoue que j’ai eu du mal. Beaucoup de mal. J’avais peur en fait. Peur de mal faire, de l’embrasser, de la toucher. Je me sentais un peu illégitime, étrangère et j’avais peur de lui faire ressentir. Du coup, je lui faisais ressentir. Pendant quelques mois, ma fille ne m’a d’ailleurs pas regardé. Elle regardait son papa, mais moi jamais. Elle dormait contre lui et pas contre moi. C’était papa, pas maman. J’en étais triste et très perturbée. Je voulais tant qu’elle m’aime et, surtout, je voulais tant l’aimer. Je me murais dans une énorme pudeur, et je me disais ‘et si ce fameux amour maternel n’arrivait pas?’. Je suis donc allée voir un ostéopathe, qui a refait inconsciemment le chemin de la naissance avec elle. En fin de séance, elle a relevé la tête et m’a regardée droit dans les yeux.

À cet instant, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je me suis rendue compte à cet instant précis que c’était ma fille, mon bébé, mon enfant à moi. Je l’ai prise, je l’ai reniflée, je l’ai embrassée et serrée si fort dans mes bras. Quand elle m’a regardée et que je l’ai regardée, je l’ai enfin vue et reconnue comme ma fille, j’avais l’impression de la mettre au monde. C’était d’une évidence incroyable et d’une émotion explosive. J’ai pris enfin conscience que j’étais maman de deux enfants. Elle devait avoir neuf mois.

J’ai longtemps eu honte de cette période, de ce lien d’attachement si compliqué à mettre en place. Par peur du jugement peut-être, où que l’on me jette la pierre, mais aussi la culpabilité d’avoir été une mauvaise maman, alors que je l’avais tant désirée. C’est pour cette raison que personne n’a jamais eu connaissance de ces émotions intenses qui me traversaient à l’époque. Et pourtant, depuis elle, je ne suis plus la même. Il aura fallu du temps, mais j’ai ressenti ce que toutes les mamans ressentent: l’amour inconditionnel pour leurs deux enfants.

Et aujourd’hui…

Aujourd’hui, ma fille a 6 ans. Elle se coiffe comme moi (ou plutôt, elle m’oblige à me coiffer comme elle), elle est pleine de vie et m’en fait voir de toutes les couleurs. Elle a toujours su qu’elle avait été adoptée. Elle regarde très souvent ses albums photos de naissance et est très curieuse et pose beaucoup de questions à ce sujet. Elle dit souvent m’avoir choisi autant que je l’ai choisi. Elle est fière de qui elle est et de sa famille. Elle est drôle, aimante, très intelligente et fantasque. Elle adore son frère. Son papa est son héros, et elle me surnomme ‘maman-damour-qu’elle-aime-jusqu’au-plafond’. Je ne peux pas imaginer ma vie sans elle, on se câline, on se fait des bisous, on s’aime quoi. Mes deux enfants sont ma vie, et je peux que souhaiter la même histoire d’amour et de joie à tous ces couples qui seront parents un jour, via l’adoption.”

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