© Hollie Santos/Unsplash

Témoignage: “Je suis maman solo et je vis sous le seuil de pauvreté”

Par Tatiana Czerepaniak
En Belgique, 50% des familles monoparentales vivent avec moins de 1500€ par mois. C'est le cas de Nathalie, 39 ans, et maman de deux enfants. Depuis un peu plus de trois ans, elle est maman solo et vit une situation financière précaire. Un quotidien dont elle tenait à témoigner sur notre site.

“Bonjour Mamans & Femmes d’Aujourd’hui, je vous suis sur les réseaux sociaux depuis un petit moment déjà, et je remarque que vous mettez en avant les témoignages touchants de mamans ayant vécu une situation parfois très compliquée. Je voulais savoir si vous aviez déjà parlé des parents sous le seuil de pauvreté? Parce que c’est mon quotidien, et je ne trouve pas beaucoup de témoignages sur le sujet sur Internet”. C’est par ce message que Nathalie nous a contactées. Maman de deux garçons de 10 et 13 ans, Nathalie est effectivement dans une situation très complexe que vit pourtant un nombre croissant de familles monoparentales: la pauvreté. Une pauvreté honteuse qui ne s’affiche pas au premier regard, mais qui oblige une famille monoparentale belge sur deux à se serrer fortement la ceinture. Aujourd’hui, Nathalie nous raconte son histoire.

Je suis maman solo et je vis dans la pauvreté

“L’histoire d’amour que j’ai vécue avec le père de mes enfants est somme toute assez banale. On s’est rencontré très (trop?) jeune. J’avais 17 ans et lui 20 ans. On a eu le coup de foudre. Un coup de foudre d’adolescents qui vivaient sans se soucier du lendemain. Après trois ans de relation, on s’est installés ensemble. Lui avait son diplôme supérieur en poche, et un premier job. Moi, je venais de finir une formation et un stage pour être puéricultrice. On avait très envie de vivre ensemble, de commencer notre vie d’adulte. On est partis vivre en région bruxelloise, parce qu’il avait décroché un chouette boulot en centre-ville. Moi, je pensais davantage à notre installation qu’à ma carrière, alors je l’ai suivi à presque 100km de chez moi.

Très vite, on s’est mariés et on a pensé à faire des enfants. Il nous a fallu un peu de patience pour que je tombe enceinte, alors j’ai travaillé en tant que puéricultrice dans une crèche privée. Sans conviction je vous l’avoue. Cette crèche était très grande et je ne trouvais pas ma place dans cette usine à bébés. Mon mari, lui, travaillait beaucoup et se construisait une chouette carrière professionnelle. Et puis un jour, je suis tombée enceinte de mon aîné. Dans le milieu de la puériculture, on est très rapidement écartée lors d’une grossesse, afin d’éviter le risque d’être contaminée par le cytomégalovirus, qui peut avoir des conséquences très graves sur un fœtus.

J’ai donc vécu une grossesse assez paisible. Je faisais ma petite popote à la maison, je me promenais, parfois je partais toute la journée voir mes parents, et je faisais en sorte que tout soit fait lorsque mon mari rentrait du travail. Ensuite, la naissance de mon fils a été une véritable révélation pour moi. Je ne voulais pas le quitter, je voulais profiter de lui et de cette famille que nous formions désormais. Face à mon désarroi quant à l’idée de reprendre le travail, mon mari m’a dit un jour: “Pourquoi ne prendrais-tu pas le temps d’élever notre fils? Aujourd’hui, je gagne assez bien ma vie pour m’occuper de vous financièrement”. C’est vrai que ces dernières années, il avait eu pas mal de promotions, et sa carrière allait plutôt bien. J’ai donc remis ma démission et je me suis occupée à plein-temps de notre famille. Nous avons eu un deuxième enfant et on a fait construire une jolie maison. Mon mari continuait à évoluer professionnellement tandis que de mon côté, je m’occupais en créant des articles de puériculture en tissu, que je commençais petit à petit à vendre à des futures mamans, et je m’éclatais. C’était le temps du bonheur, où tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Petit à petit, l’éloignement

Si cette période fut très heureuse, c’est un mode de vie qui, petit à petit, nous a éloignés l’un de l’autre. J’étais 24h sur 24 à la maison, à m’occuper de nos enfants et de notre nid, et lui bossait de plus en plus. Il passait de réunions en réunions, rentrait fatigué et lorsqu’il était à la maison, on ne se parlait que très peu. Et puis un jour, j’ai appris que j’étais enceinte. Un accident. Cet enfant n’était pas prévu mais j’étais ravie de cette grossesse. Lui était très taiseux face à cette grossesse surprise… J’ai mis ça sur le compte de l’étonnement et de la fatigue.

Mais très vite, j’ai perdu le bébé. Je l’ai un peu mal vécu au début, mais lui a pris cette fausse couche comme une délivrance. On s’est beaucoup disputés à ce sujet, et après plusieurs semaines difficiles entre nous, il m’a avoué qu’il ne m’aimait plus. Qu’il ne voyait plus en moi qu’une mère et plus la femme qu’il avait épousée. Que je n’avais pas grand chose à dire, si ce n’est parler d’enfants, de la maison et de mes créations. Qu’il me désirait de moins en moins, et qu’il ne savait pas comment nous sortir de là. Il ne savait même pas s’il avait envie de nous sortir de cette situation. Qu’il pensait au divorce. Bref, le choc. Je ne m’attendais pas du tout à ça. On a tenté de recoller les morceaux tous les deux, de se donner une deuxième chance et de “retomber” amoureux. Mais 15 mois plus tard, j’ai découvert qu’il avait une relation extra-conjugale avec l’une de ses clientes, et que ce n’était pas la première fois. Une indépendante qui avait mis sa carrière en priorité, divorcée depuis peu et maman d’une fille. Cette réalité a mis un terme à notre mariage. Je ne pouvais pas me battre face à cette femme qui était tout ce que je n’étais pas, et tout ce qu’il désirait.

Il a gardé la maison et la voiture, j’ai gardé les enfants et les meubles

J’avais créé mon petit business qui me permettait d’avoir un peu d’argent à moi, mais pas de subvenir au loyer de cette grande maison que nous avions fait construire. J’ai donc dû accepter le fait de déménager. Pendant trois mois, j’ai vécu en “cohabitation” avec l’homme qui n’était désormais plus le mien. Je me suis inscrite au chômage, j’ai trouvé un appartement, je me suis équipée et j’ai mis de l’ordre dans mes papiers et dans ma vie. Lui, il continuait à travailler beaucoup, rentrer tard et voir sa nouvelle femme. Vous n’imaginez pas à quel point mon sentiment de rage était grand.

Quand il a été question de garde, il m’a dit vouloir s’occuper davantage des enfants, mais ses horaires rendaient les choses compliquées. On a donc opté pour une garde 10/4: j’avais la garde principale des enfants, et il les prendraient une semaine sur deux, du jeudi au dimanche. Personnellement cela m’allait très bien, moi qui avais passé toute ma vie à m’occuper d’eux, je ne me voyais pas les laisser une semaine complète à leur papa. J’avais hâte de commencer cette vie, pas par envie mais pour ne plus avoir à le voir, lui et ses mensonges.

Une vie de galère en galère

J’ai vite compris que la vie de maman solo allait être difficile: rien que trouver un appartement lorsqu’on est une femme seule avec des enfants est un parcours du combattant. J’ai aussi vite compris que je ne pouvais pas subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants en étant créatrice. J’ai donc trouvé un boulot. Pas vraiment le job de mes rêves, mais après ces années à m’occuper de mes enfants et de la maison, mon expérience professionnelle ne me permettait pas de faire la fine bouche. J’ai gardé les allocations familiales et le papa de mes enfants s’était engagé à me payer une pension alimentaire. Je m’en sortais tout juste financièrement, mais c’était le prix à payer pour vivre dans la vérité. Je pensais m’en sortir petit à petit, mais je n’avais pas encore conscience que les galères allaient s’accumuler.

Toute ma famille habite sur Liège, ce qui fait que je ne peux être aidée au quotidien par mes parents. J’ai peu d’amies, si ce n’est quelques copines qui ne se rendent pas compte de ma réalité. Une solitude qui m’a valu de perdre mon emploi à deux reprises. Après trois mois dans mon premier job en tant que “maman solo”, mon cadet a dû être hospitalisé. Son papa, qui travaille beaucoup trop, n’a pas pu se libérer. J’ai donc pris quelques jours pour être avec lui… Un dévouement maternel qui m’a coûté mon job. Pas assez disponible selon l’employeur. Je suis donc retombée au chômage quelques mois, et j’ai eu du mal à retrouver un nouvel emploi qui corresponde à ma réalité de maman solo, tout en payant mes factures.

Chaque mois, les calculs et le combat

Depuis, ma vie n’est que calculs et contraintes. Quand je paie mon loyer, mes charges, ma voiture, il ne reste déjà plus beaucoup d’argent sur mon compte. Je dois encore nourrir mes enfants, les habiller, les chausser, payer les sorties scolaires, les activités… C’est très très difficile, et je dois souvent dire non. Certes, ils ont un papa qui doit participer, mais je dois déjà me battre pour qu’il paie la petite pension alimentaire. Il oublie deux fois sur trois et je dois avancer tous les frais scolaires, les chaussures, les médecins… Lui, il ne s’occupe de rien. Impossible de lui demander d’aller chez le dentiste avec ses enfants ou de leur acheter des chaussures, il dit qu’il n’a pas le temps.

Alors je calcule, je réfléchis, je tourne le problème dans tous les sens, je choisis les factures qu’il faut absolument payer et celles qui “peuvent attendre” un peu, et je dois me battre tous les mois pour nourrir mes enfants. De temps en temps, mes parents m’envoient un peu d’argent, quand mes problèmes financiers deviennent trop importants, mais je déteste tellement leur demander. C’est difficile, à presque 40 ans, de se rendre compte que l’on peut à peine nourrir sa famille. De mon côté, je ne vais pas chez le coiffeur, je ne m’achète presque jamais de vêtements, sauf quand c’est nécessaire, on ne part jamais en vacances. Aucun plaisir n’est possible pour les mamans dans ma situation. Il m’est déjà arrivé d’aller me vêtir ou me chausser dans des magasins sociaux qui vendent des vêtements à mini-prix pour m’acheter un manteau assez chaud, ou de ne presque pas manger pendant que mes enfants étaient chez leur papa pour avoir assez de nourriture pour eux.

Chez papa ou maman, une vie bien différente

Mon ex-mari, lui, n’a pas vraiment de problèmes financiers. Alors que je galère tous les jours, il vit confortablement. Je ne regrette pas un instant d’avoir pris la décision de le quitter, mais le prix à payer pour avoir été sa femme me semble parfois lourd à porter.

Mes fils, qui deviennent adolescents, ont souvent du mal à comprendre pourquoi je ne sais pas leur offrir telle ou telle chose, ou pourquoi on ne part pas en vacances. Chez leur papa, ils ont une console de jeux vidéo, alors que chez moi impossible de mettre autant d’argent pour ce type de jeux. Chez papa, ils vont au resto, partent en vacances au ski… des choses que je ne peux pas me permettre. J’espère qu’avec le temps ils comprendront la situation, mais c’est parfois très compliqué.

Une reconstruction difficile

Depuis quelques mois, j’ai un copain avec qui les choses se passent bien. On ne vit pas ensemble, on se donne le temps de voir où cette histoire va nous mener, et je ne veux pas lui faire porter le poids de ma vie de maman solo, mes galères financières. Mais il est au courant de ma réalité, et sait que si l’on sort, je ne suis pas en mesure de payer. De son côté, il travaille et gagne sa vie honnêtement, sans excès. Il travaille dans le secteur du jardinage et n’a pas d’enfants. On s’aime beaucoup et j’espère que cela va déboucher sur une jolie histoire, mais en même temps j’ai tellement peur de refaire confiance en un homme. On verra ce que l’avenir nous réserve”.

Les femmes particulièrement touchées par la précarité

Si une famille monoparentale sur deux vit des fins de mois parfois très compliqués, ce sont les mamans qui sont le plus victimes de cette précarité. En effet, dans 80% de cas de difficultés financières, on retrouve des mamans vivant seules avec leurs enfants. Un constat affligeant, qui fait réfléchir à la situation des femmes en cas de divorce ou de séparation.

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